5.3. FOUILLE SUR L’OPPIDUM DU BAOU-ROUX
(dernière mise à jour de cette page : 9 juillet 2020)
Bilan établi par Jean-Louis Charrière, responsable de la fouille
Sauf mention contraire, les dessins, plans et photos sont de l’auteur.
Les dates relatives aux vestiges sont avant notre ère (AC = ante Christum = avant J.-C.).
SOMMAIRE
A. Généralités sur l’oppidum du Baou-Roux
B. Généralités sur notre sondage
B1. Conditions générales de notre intervention
B2. Quelques caractéristiques de notre sondage
C. Les vestiges de la cinquième période d’occupation (IIe siècle)
C1. Les murs
C2. La porte
C3. Le toit
C4. Les foyers
C5. Les aménagements en terre crue
C6. Le sol d’habitation
C7. Aperçu sur le mobilier recueilli
D. Les vestiges de la quatrième période d’occupation (IIIe-IIe s. ?)
E. Les vestiges de la troisième période d’occupation (IVe – IIIe s.)
F. Les vestiges de la deuxième période d’occupation (Ve – IVe s.)
G. Les vestiges de la première période d’occupation (âge du Bronze ?)
A. GÉNÉRALITÉS SUR L’OPPIDUM DU BAOU-ROUX
Comme notre association a publié un petit fascicule sur ce site, rédigé par l’un de ses propriétaires qui y faisait des fouilles, nous renvoyons le lecteur à cet ouvrage (épuisé, à consulter en bibliothèque), où il pourra trouver une présentation générale du site et un rappel des découvertes anciennes : Jean-Pierre Tennevin, Le Baou-Roux, oppidum celto-ligure, 1972, 52 pages, nombreuses illustrations et un plan dépliant.
Pour prendre connaissance des fouilles postérieures, le mieux est de consulter la Carte Archéologique de la Gaule (CAG), volume 13 / 4, consacré à Aix-en-Provence, Pays d’Aix, Val de Durance, paru en novembre 2006, sous la direction de F. Mocci et N. Nin. L’oppidum du Baou-Roux est présenté pages 517 à 524. Cependant l’auteur de cet article, Philippe Boissinot (actuellement directeur d’études à l’EHESS à Toulouse), qui était à l’époque de notre sondage un jeune archéologue fouillant lui aussi sur le Baou-Roux à quelques mètres de notre chantier, qui préparait sa thèse sur ce site et qui nous avait aidés de ses connaissances, a « oublié » de signaler notre sondage. Nous comblons ici cette lacune, et c’est d’autant plus utile que les résultats de notre fouille n’ont encore jamais été publiés, faute de temps disponible jusqu’à maintenant. Mais ils ont donné lieu après chaque campagne aux rapports réglementaires remis à la Direction Régionale des Antiquités Historiques (appelée aujourd’hui Service Régional de l’Archéologie).
Pour ceux qui n’auraient pas accès à ces publications, voici une brève présentation. L’oppidum se trouve à l’extrémité sud-ouest de la commune de Bouc-Bel-Air, dans des propriétés privées. Il est installé sur un petit plateau d’environ 4 hectares qui culmine à un peu plus de 300 m d’altitude, ce qui permet d’apercevoir l’oppidum d’Entremont, sur la commune d’Aix-en-Provence, à une quinzaine de kilomètres au nord. La plus ancienne allusion archéologique date de 1856, les premières fouilles de 1903.
La plus ancienne trace d’occupation humaine semble remonter au Néolithique final (vers 3000). Puis on constate une occupation importante au Bronze ancien (vers 2000), puis de nouveau au Bronze final III b (vers 800), puis encore à l’âge du Fer, de 550 à 400 environ. Enfin vient la période de grande urbanisation, de 200 environ à 123 probablement, date à laquelle l’oppidum est dévasté par un assaut militaire et définitivement abandonné, à l’exception de quelques points très limités ; on admet que cet événement correspond à la campagne militaire victorieuse dirigée cette année-là par le proconsul romain Gaius Sextius Calvinus, au cours de laquelle est également pris l’oppidum d’Entremont.
B. GÉNÉRALITÉS SUR NOTRE SONDAGE
B1. Conditions générales de notre intervention
J.-L. Charrière, qui dirigeait l’équipe de fouilles de l’association, connaissait J.-P. Tennevin, qui possédait une partie du Baou-Roux et y avait déjà effectué des fouilles. C’est ainsi que, grâce à une autorisation officielle délivrée au nom de J.-P. Tennevin, nous pûmes, le 20 mai 1981, entreprendre un sondage dans la partie de l’oppidum dont il était propriétaire. Par la suite, à partir de 1985, c’est sous le couvert de l’autorisation délivrée à P. Boissinot que nous avons continué notre recherche. C’est donc à lui que nous avons remis notre rapport de fouille le 3 décembre 1985, rapport qu’il n’a transmis aux autorités qu’en février 1986 lorsque nous avons insisté pour qu’il le fasse.
Comme nous recherchions un endroit où la couche de terre fût assez épaisse pour espérer trouver des vestiges assez bien conservés, nous choisîmes d’implanter notre fouille en bordure sud-ouest du vallon du Portalet, à quelques mètres au nord-ouest d’un autre sondage effectué au même moment par P. Boissinot. Et nous décidâmes de baptiser ce sondage C 81 (C parce que c’était le troisième ouvert sur l’oppidum cette année-là, et 81 pour l’année). En l’absence de tout carroyage général du site, nous ne pouvons localiser notre chantier par des coordonnées plus précises.
M. Tennevin mit à notre disposition un local pour entreposer un peu de matériel au pied de la colline, nous en cachâmes une autre partie près de notre sondage et le plus précieux fut transporté à chaque séance à dos d’homme.
Liste des principaux participants : J.-L. Charrière (responsable), P. Barbero, E. Bodin, J. Bourthoumieu, M. Dalaudière, S. Decoppet, R. Favarel, S. Gallet, A. Jeanjean, M. Lecat, A.-M. Lesaing, M.-L. Mesly-Rousset, J. Pillement, S. Tamisier, J. Thiriet, J. Tofani, S. Valentini, N. Van Puyvelde.
MM. Tennevin et Boissinot sont venus très souvent nous rendre visite, mais sans participer à la fouille sur le terrain lui-même.
Les travaux sur le terrain eurent lieu surtout pendant l’été, quand J.-L. Charrière était en congé (y compris le 22 juillet 1983, alors que le thermomètre indiquait 39° C à l’ombre…), l’hiver étant consacré aux travaux de laboratoire.
Le chantier fut interrompu en septembre 1983 et reprit en juillet 1985 pour s’achever définitivement le 29 juin 1988. Avant de quitter définitivement le chantier, nous avons posé des témoins de notre fouille sur les niveaux les plus profonds et remis un peu de terre par dessus, ainsi que des branchages épineux et un fil de fer barbelé à titre de protection. Nous avions proposé à M. Tennevin de remblayer l’excavation mais il nous dit qu’il s’en chargerait.
Cependant les travaux en laboratoire pour nettoyer, classer, numéroter le mobilier céramique continuèrent jusqu’au 27 mars 1996. Pendant toute cette période (1981-1996), le rythme des séances de travail fut irrégulier, en fonction de la disponibilité des participants, tous bénévoles.
Étude du mobilier
En 1996, le décès de Suzanne Decoppet, principale collaboratrice de J.-L. Charrière, entraîna l’interruption prématurée de l’étude du mobilier et il faudra la reprendre un jour…(des milliers de tessons, des centaines de prélèvements ou objets divers). C’est pourquoi nous ne pouvons pas présenter ici en détail le mobilier recueilli. Du reste, la plus grande partie a été recueillie dans un épais remblai apporté nous ne savons pas d’où par les habitants de l’oppidum pour obtenir un sol horizontal pour la construction de la maison du IIe s. (dernière période d’occupation) et ce mobilier est donc très mélangé et très fragmentaire.
Nous avons aussi prélevé de temps en temps, tout au long de notre fouille, en les référençant, des débris de charbons ainsi que des échantillons de terre en vue d’une analyse ultérieure par des spécialistes pour détecter l’éventuelle présence de minuscules éléments végétaux ou animaux, voire de minéraux utiles à l’interprétation des données.
La quasi totalité de ce mobilier (essentiellement la céramique et les prélèvements) a été déposée dans les réserves de l’oppidum d’Entremont le 29 avril 2004. Quelques objets ont été remis à sa demande à M. Tennevin, propriétaire du terrain, qui a constitué chez lui une sorte de petit musée comprenant surtout ses propres découvertes sur l’oppidum.
Les monnaies
Par ailleurs, depuis bien longtemps avant l’ouverture de notre chantier et pendant sa durée, M. Tennevin avait l’habitude de circuler sur l’ensemble de son terrain avec un détecteur de métaux et il a pu recueillir ainsi de nombreuses monnaies, dont certaines sur notre sondage pendant nos absences (il nous les a remises ensuite).
Cette recherche de M. Tennevin se justifie comme mesure de sauvetage préventive face aux clandestins qui pillent le site : nous en avons surpris un une fois en contrebas de l’oppidum équipé d’un détecteur de métaux et nous avons constaté des creusements sur notre fouille. Il est donc très possible que des monnaies et d’autres objets métalliques aient été ainsi dérobées.
Une étude des monnaies détenues par M. Tennevin a été réalisée et publiée par Jacques Felisat dans un article intitulé Inventaire des monnaies trouvées sur l’oppidum du Baou-Roux (B. du Rh.) de 1907 à 1981, paru dans la Revue archéologique de Narbonnaise, n° 20, 1987, p. 99-141 (disponible en ligne : https://www.persee.fr/doc/ran_0557-7705_1987_num_20_1_1307 )
B2. Quelques caractéristiques de notre sondage
La surface maximale du sondage a atteint 35 m2, soit un rectangle de 5 x 7 m déterminé par la présence des murs de l’époque la plus récente. La profondeur du creusement est restée inégale : arrêt au niveau du dernier sol d’habitat conservé dans la partie sud-ouest, creusement jusqu’au substrat dans l’angle nord-est. Nous avons dû poser et laisser là quelques pierres pour circuler plus aisément sur le substrat en pente.
Nous avons pu différencier, avec plus ou moins de certitude, cinq périodes d’occupation. Nous allons les décrire en remontant le temps, comme nous les avons trouvées en descendant dans la terre…
Notre sondage n’a fait que confirmer la remarquable richesse documentaire de l’oppidum du Baou-Roux, déjà démontrée par les fouilles anciennes, puis celles de Jean-Pierre Tennevin et enfin celles de P. Boissinot. Nous formons le vœu que ce site fasse à l’avenir l’objet de nouvelles grandes fouilles et que le mobilier recueilli depuis le début des recherches puisse être bientôt exposé dans un musée public.
C. LES VESTIGES DE LA CINQUIÈME ET DERNIÈRE PÉRIODE D’OCCUPATION (IIe siècle)
La plus récente occupation s’étend des environs de 200 à 123 (cf. § A ci-dessus). C’est à cette période qu’appartient la plus grande partie des vestiges bâtis mis au jour, à savoir trois murs et divers aménagements intérieurs.
C1. Les murs
Ces murs sont les restes d’une salle rectangulaire dont la longueur suit un axe nord-est / sud-ouest. L’érosion a emporté le quatrième mur (mur X) qui fermait la pièce au nord-est, là où s’accentue la pente descendant vers le vallon du Portalet. Les murs constituant les longs côtés du rectangle sont eux-mêmes incomplets au nord-est. Toutefois, des vestiges antérieurs plus profonds (cf. § 4) permettent avec assez de vraisemblance de positionner ce quatrième mur disparu à 6 mètres du mur sud-ouest. La largeur intérieure de la pièce étant de 3,60 m, la surface intérieure peut donc être estimée à 21,60 m2.
Les limites de notre sondage n’ont permis de dégager que la surface et la face intérieure des murs, mais il est certain que les murs 5 et 8 sont des murs mitoyens avec les maisons voisines. Le mur 10, au sud-ouest, est percé d’une grande porte et borde une rue.
Ces murs, conservés sur une hauteur maximale de 0,70 m, mesurent autour de 50 cm d’épaisseur. La première assise des murs sud-ouest (mur 10) et nord-ouest (mur 8) est établie à quelques centimètres sous le niveau du sol d’habitation, sur le remblai. En revanche, la première assise du mur sud-est (mur 5) est enfouie à environ 35 cm sous le niveau du sol ; il est possible que ce niveau corresponde au niveau du sol de la pièce contiguë non fouillée parce que le sol actuel est en pente de ce côté.
Ces murs sont bâtis en pierres brutes de calibres très variés (rarement plus de 40 cm de long), disposées en tous sens et liées à la boue. Cette épaisseur nécessite la technique du parement bilatéral avec simple blocage dans les interstices. Nous n’avons pas trouvé de trace sûre d’un éventuel crépi.
Le mur sud-ouest (n°10) a été édifié en pierres plus petites et après les deux longs murs (n°5 et 8), entre lesquels il est venu s’insérer sans imbrication de leurs pierres là où ils se rejoignent.
Ce détail nous paraît significatif : il semble indiquer que la construction du quartier a commencé par l’édification des murs mitoyens délimitant les lots de terrain attribués. Puis chaque allocataire a construit ce qui le concernait personnellement. Nous avons remarqué un phénomène analogue lors de notre fouille sur l’oppidum d’Entremont, îlot III, espace 1 (cf. le § C dans la page 5.1 sur notre fouille à Entremont).
Les pierres écroulées découvertes dans cette pièce constituent un volume de moins de 2 m3. C’est très insuffisant pour y voir la masse écroulée des murs, qui devaient probablement dépasser 2 mètres de haut. D’autre part, cet éboulis (couche 7b) était circonscrit à une surface de 5 ou 6 m2 contre le mur nord-ouest (n°8), ce qui exclut qu’il provienne de l’ensemble des murs. Nous pensons donc qu’une bonne partie des pierres fut récupérée, à une époque indéterminée.
Nous aborderons plus loin la question de l’existence éventuelle de murs ou parties de murs en adobes (briques crues).
Nous n’avons trouvé aucun reste de bois (carbonisé) pouvant appartenir à un colombage, un chambranle ou une charpente mais ce matériau fut forcément utilisé pour la porte et le toit.
Nous n’avons trouvé non plus aucun indice de l’existence d’un étage.
C2. La porte
Une porte se trouve dans le mur sud-ouest, contre le mur sud-est. Sa largeur semble avoir été modifiée : l’ouverture mesurait d’abord 1,70 mètre de large, puis elle fut ramenée à 1,30 m ; le placage de pierres ajouté à ce moment-là n’est pas aussi épais que le reste du mur, peut-être pour laisser du côté intérieur la place d’un madrier vertical renforçant l’encadrement. Cette ouverture, même réduite à 1,30 m, semble exiger une porte à deux vantaux.
Le seuil proprement dit a disparu : il était probablement constitué d’un madrier posé sur les pierres que nous avons retrouvées (n°14). La dénivellation entre la surface du madrier et le sol de la maison en contrebas était d’environ 25 cm. Du côté de la rue qui desservait cette pièce et longeait donc le mur sud-ouest, nous avons trouvé une rangée de pierres dressées contre le seuil. Ces pierres dépassaient la hauteur estimée de la planche du seuil d’environ 5 à 8 cm et servaient à retenir le sol de la rue, plus élevé. Il faut donc imaginer un dispositif, éventuellement amovible, peut-être une planche, empêchant l’eau de pluie ruisselant dans la rue de pénétrer dans la pièce.
La configuration générale du quartier, mise en évidence par P. Boissinot, montre que la pièce dégagée était bordée au sud-est et au nord-ouest par d’autres salles.
Il n’y a pas trace d’ouvertures sur ces deux côtés, à moins que d’éventuelles portes se soient trouvées tout à fait au nord-est, où l’érosion a emporté les vestiges de cette période mais c’est très improbable. Le mur nord-est lui-même (X), disparu, a pu comporter une lucarne ; en effet, en raison de la pente du terrain, s’il y avait une autre maison de ce côté, elle se trouvait nécessairement plus basse d’environ 2 mètres, laissant la place d’une ouverture.
C3. Le toit
La fouille n’a révélé aucun reste sûr du toit. Pourtant on peut affirmer que l’espace fouillé n’était pas en plein air mais couvert d’un toit, celui-ci étant indispensable pour protéger les structures en terre crue dont nous parlerons plus loin. De plus, nous avons retrouvé deux grosses pierres plates (n°20 et 21) enfouies à quelques centimètres sous le sol d’habitat, calées par quelques cailloux, disposées à peu près sur l’axe médian de la pièce et divisant la longueur de la pièce en trois tiers à peu près équivalents (du sud au nord : 1,9 m, 2,4 m et 2 m) ; elles servaient sans doute de base à deux poteaux destinés à soutenir la toiture.
Cette toiture était très probablement en terrasse, comme dans les autres habitats contemporains de la région. En effet, la présence d’autres maisons au sud-est et au nord-ouest s’oppose à l’hypothèse d’un toit à double pente sur ces côtés. Et la disposition des deux poteaux porteurs ne convient pas à une double pente vers le sud-ouest et le nord-est.
C.4. Les foyers
Nous avons trouvé deux foyers. L’un (n°19, cf. fig. 13) est situé tout à fait dans l’angle sud de la pièce, à quelques centimètres sous le sol d’habitat, au pied du seuil d’entrée sous lequel il s’engage un peu. En revanche, il s’appuie contre le mur sud-est. Il a donc été utilisé de façon très temporaire entre la construction de ce mur et celle du seuil. Il était constitué d’une simple couche de terre argileuse en partie rubéfiée, mesurant 0,5 x 0,6 m de surface.
L’autre foyer (n°106, cf. fig. 14) se trouve au pied du mur nord-est, au milieu de sa longueur, à quelques centimètres lui aussi au-dessous du sol d’habitat. Il consistait lui aussi en une simple lentille de terre argileuse rubéfiée au centre, d’un diamètre de 0,60 m. Nous ne pouvons déterminer s’il s’agit d’un foyer permanent peu à peu recouvert de terre ou d’un foyer temporaire.
S’il a existé un foyer permanent mieux aménagé, il devait se trouver dans la partie disparue de cette pièce, au nord-est.
C5. Les aménagements en terre crue
Nous avons trouvé, contre le mur sud-est (n°5) et sur le seuil d’entrée (n°14), un amas de débris d’adobes (couche 7c, cf. fig. ) en terre plus ou moins argileuse et gravillonneuse) ; son faible volume (à peu près un demi mètre cube) et son emplacement très circonscrit n’incitent pas à y voir les restes de la partie haute des murs. À moins d’admettre, comme pour les pierres, qu’une grande partie des adobes avait été récupérée avant que l’argile crue se délite et se disperse. Mais nous avons constaté qu’il y avait contre le mur opposé d’autres adobes intacts en place, qui n’ont pas été récupérés. Peut-être ces briques appartenaient-elles à un aménagement limité : encadrement de porte, cloison, portion de mur limitée ?
Nous avons d’autre part mis au jour, dans l’angle ouest, deux massifs bâtis en terre, dont la fonction nous échappe ; les archéologues professionnels consultés sont eux aussi restés perplexes (cf. fig. 16 à ). On trouvera plus de détails dans l’article cité de Ph. Boissinot, chapitre A ci-dessus.
Le premier (structure 6a, fig. 16, 17, 18, 19, 20, 21) se trouve tout à fait dans l’angle et longe le mur sud-ouest jusqu’à la porte d’entrée, à savoir sur 2 mètres. Sa largeur est de 1,05 m. Pendant la fouille, nous n’avons pas remarqué tout de suite sa présence et nous avons fortement entamé son angle est. Mais une fois qu’on s’y attend, on distingue sept couches de terre de même épaisseur (environ 8 cm), séparées par des joints horizontaux plus clairs (structure très visible si on humidifie la terre) ; en revanche, nous n’avons repéré que deux joints verticaux ; mais Ph Boissinot, qui a étudié les structures 6a et 6b de très près, y a vu d’autres joints verticaux (fig. 21).
Ce massif mesure actuellement 0,70 m de haut, mais l’aspect irrégulier de la face supérieure laisse penser qu’il n’est peut-être pas complet dans sa hauteur. La paroi nord-est est verticale, la paroi sud-est est inclinée à 40° : nous ne pouvons dire si cette pente est d’origine ou résulte de l’érosion. Compte tenu des usages constatés ailleurs à cette époque, ce massif paraît trop large pour être le soubassement d’un escalier.
Le second massif (structure n°6b, cf. fig. 16, 17, 18, 22, 23, 24) se trouve contre le précédent et contre le mur nord-ouest. Il mesure 1,33 m de long (nord-ouest / sud-est), 1,10 m de large et sa hauteur varie entre 0,30 et 0,45 m. Il semble complet, protégé qu’il était par l’éboulis de pierres des murs ; toutefois, la face nord-est était endommagée (adobes effrités). Sa face supérieure, inclinée dans son ensemble vers le sud-est d’une pente d’environ 7 %, est constituée de 3 rangées d’adobes juxtaposés ; la rangée qui jouxte le précédent massif est inclinée vers le centre ; la rangée opposée (au nord-est) est plus haute de l’épaisseur d’une assise d’adobes (8 cm environ) ; donc l’ensemble de cette surface n’est pas du tout plat. La rangée nord-est repose sur un empilement de quatre assises d’adobes ; et de plus, il y a encore, sous l’angle est, un grand morceau d’adobe supplémentaire enfoui dans le sol d’habitat). Les deux autres rangées reposent simplement sur un massif de terre. Certains adobes sont entiers, d’autres ne sont que des morceaux ; P. Boissinot a étudié leur composition : elle est très variable ; on en déduit que ce sont des adobes de récupération.
Tant que la fonction de ces massifs de terre ne sera pas élucidée, il sera impossible de dire avec précision quelle sorte de bâtiment a été mise au jour par notre sondage : simple habitation, local artisanal, mixte ? Le mobilier recueilli, banal, ne donne pas d’indice.
C6. Le sol d’habitation
Les trois murs conservés ont été édifiés sur un remblai de terre (c.3 et c.5) contenant par endroits du cailloutis et partout une grande quantité de débris de céramiques de plusieurs époques, la plus ancienne attestée avec certitude étant le VIe siècle et la plus récente le IIe siècle. On y trouve aussi divers déchets (coquillages, os, graines carbonisées, cendres et charbons, etc.). L’épaisseur maximale de ce remblai est d’environ 1 mètre, du côté nord-est, pour compenser la pente du rocher sous-jacent. Ce remblai s’était appuyé sur un mur (17b) déjà construit pour un autre motif. Nous en parlerons à propos de la quatrième période d’occupation.
Le sol lui-même de la pièce (s.4), en pente sensible (5 %) vers le nord-est, a été obtenu par apport de terre (c.5) sur un niveau (s.3) riche en cailloutis qui doit correspondre au moment de la construction de la maison. L’existence dans c.5 de fines couches de composition variable laisse penser qu’il y a eu au fil des années d’occupation des dépôts progressifs. Nous verrons d’autres indices de cette élévation du sol. subi un léger exhaussement progressif de quelques centimètres. Voir fig. 25 (coupe).
C7. Aperçu sur le mobilier recueilli
Comme je l’ai dit dans le § A ci-dessus, l’étude du mobilier reste à faire. Voici simplement quelques données partielles. Nous avons trouvé sur le sol de circulation de cette maison :
— de la céramique locale (on dit couramment « indigène ») modelée (non tournée).
— des débris de dolium.
— de la céramique tournée et peinte de Massalia (Marseille).
— de la céramique campanienne à vernis noir (importée de la région de Naples en Italie).
— quelques tessons de céramique à pâte fine et beau vernis noir brillant (attique (fig. 26) et aussi peut-être Italie ou pseudo-attique massaliète ?) dont la présence à ce niveau suppose un remblayage avec des terres plus anciennes.
— des débris d’amphores et une amphore complète bien que cassée en quatre morceaux, dont la panse est percée d’un trou à peu près rond d’environ 12 cm de diamètre (fig. 27).
— une meta (partie inférieure fixe d’une meule rotative) en basalte avec des restes d’un scellement en plomb dans le trou central (carré B2, couche c.5, objet n°8). Poids : env. 12,5 kg. Diamètre (irrégulier) 36,5 cm au maximum ; rayon maximum 19 cm, minimum 17,5 cm. Hauteur maximum 9 cm. diamètre du trou central (irrégulier) 2 cm ; diamètre de l’évasement du trou sur la face supérieure 4,5 cm. Voir fig. 28 et 29.
— quelques petits galets (pierres de fronde ou autres).
— des fragments de clous en fer.
— un fragment de fibule en bronze.
— un fragment de tôle de bronze modelé (carré B3, objet 23 ; fig. 30).
— dix monnaies, dont une obole massaliète (avers : tête à gauche ; revers : roue à 4 rayons et lettres MA) et plusieurs bronzes plus ou moins illisibles.
— de nombreux débris d’ossements et de dents dont une dent humaine.
(autres photos ou dessins à insérer ultérieurement)
D. LES VESTIGES DE LA QUATRIÈME PÉRIODE D’OCCUPATION (IIIe – IIe s. ?)
D1. Les vestiges bâtis
Comme d’habitude, les vestiges de chaque période d’occupation sont plus ou moins bouleversés ou détruits par les aménagements de la suivante qui viennent s’y superposer. De plus, nous avons creusé sous le sol d’habitat du IIe siècle seulement dans la moitié nord-est de notre sondage et c’est dans le tiers nord-est que sont apparus des vestiges bâtis plus anciens. Nous n’avons donc pas beaucoup de traces des constructions antérieures à la cinquième période d’occupation.
Dans la bande de terrain (1 à 2 m de large) qui constitue la zone extrême de notre sondage de ce côté, l’érosion a emporté les couches antiques supérieures (notamment le mur nord-est de la maison du IIe siècle) qui ont été remplacées par une sédimentation plus récente et moins épaisse : voir la fig. 6 (plan des vestiges, structures coloriées en jaune) et les fig. 11 et 25 (coupes).
C’est sous cette couche moderne que nous avons mis au jour les restes d’un mur (n° 17b) orienté nord-ouest / sud-est, d’environ 1 m d’épaisseur, dont nous avons trouvé le sommet à 30 cm sous le niveau du sol d’habitat du IIe siècle. Sa hauteur conservée dans les limites de notre sondage est de 0,80 m. Il a été bâti sur un mur plus ancien (17a), dont nous parlerons à propos de la troisième période d’occupation.
Nous avons dégagé son sommet sur 4,40 m de long et sa face sud-ouest (amont) sur 3,6 m de long. Ce sommet n’est conservé que sur la moitié sud-ouest du mur.
De ce côté, le parement est vertical et assez soigné. La première assise est faite d’assez grosses pierres couchées (plus de 0,35 m pour les faces visibles) qui paraissent un peu dégrossies. Les assises supérieures sont d’un calibre plus petit (autour de 20 cm) ; les pierres, souvent oblongues, sont presque alignées et leur face visible est assez régulière, sans porter cependant des traces d’outil taillant.
Nous avons cherché la face nord-est par un étroit sondage dans les carrés F1 et G1. L’érosion avait emporté une partie du blocage interne et du parement nord-est, mais nous avons retrouvé celui-ci en profondeur, ce qui nous a montré que l’épaisseur de ce mur 17b est d’environ 1 mètre.
L’épaisseur de ce mur ne peut se justifier pour un simple mur de maison. Il a certainement été bâti pour retenir un puissant remblai. D’ailleurs, à sa base est apparu un petit canal (n° 75, voir fig. 32) qui le traverse probablement de part en part ; il mesure 20 cm de large et 30 cm de haut. Nous l’avons vidé sur 0,70 m de longueur et nous avons constaté qu’il est couvert par une grosse dalle, mais ses autres parois ne sont pas particulièrement aménagées. C’était probablement une simple barbacane pour évacuer l’eau qui s’infiltrait dans le remblai au-dessus.
Bien que le parement nord-est soit constitué de pierres de petites dimensions, du moins dans l’étroit sondage où nous avons pu l’observer, il est possible que ce gros mur, situé à peu près sur la ligne de rupture de pente, ait eu aussi une fonction défensive comme le mur 17a antérieur.
Contre la face sud-ouest (amont), nous avons trouvé un petit massif de pierres (n° 42, voir fig. 35), à 20 cm au sud-est du canal décrit ci-dessus. Il mesure 0,80 m de long dans le sens nord-est / sud-ouest), 0,80 m de large et 0,60 m de haut au maximum. Ses pierres sont de calibre très disparate. Sa base est au même niveau que la base du mur 17b, mais repose sur un remblai ; il a cependant fallu, pour poser la première assise, écorner le sommet d’un mur plus ancien (n° 56) dont nous parlerons plus loin. Nous ignorons la fonction de ce massif qui ne peut être un contrefort puisqu’il se trouve contre la face amont du gros mur mentionné ci-dessus. Avait-il un rapport avec la barbacane 75 ? Serait-ce les restes d’une base d’escalier pour monter sur le mur 17b ?
D2. Le mobilier
L’étude reste à faire.
E. LES VESTIGES DE LA TROISIÈME PÉRIODE D’OCCUPATION (IVe – IIIe s.)
Il s’agit essentiellement d’un mur (n° 17a) que le mobilier associé invite à dater de la fin du IVe ou du début du IIIe siècle. Il est rectiligne et sert de fondation au gros mur (n° 17b) de la quatrième période dont il suit la même orientation. Mais il déborde de la base de ce dernier, sur toute sa longueur, du côté amont, d’environ 5 cm au contact des deux murs. Au nord-ouest, il repose sur le substrat rocheux, au sud-est sur le sol argileux de la période précédente. Voir la fig. 6 (plan, structure coloriée en vert) et les fig. 11 et 25 (coupes).
Nous n’avons dégagé que sa face sud-ouest et nous ignorons son épaisseur, mais il nous semble nécessaire que sa face nord-est ait été au moins à l’aplomb de celle du mur postérieur (17b) qu’il soutient. En effet, sans ce mur sous-jacent, le mur postérieur ne pourrait s’appuyer que sur un remblai très épais, invraisemblable ici en raison de la pente du terrain. Il a donc au minimum environ 1 m d’épaisseur.
Nous l’avons dégagé sur 3,60 m de long. Sa hauteur maximale conservée est de 0,90 m. Le parement sud-ouest (amont) n’est pas très soigné, les pierres en sont plutôt petites (rarement plus de 25 cm), brutes et disposées sans souci d’obtenir une paroi plane. D’autre part, cette paroi est inclinée vers l’aval d’environ 10°, mais nous ne pouvons dire si ce fruit est volontaire ou s’il résulte d’une poussée des terres.
Compte tenu de son épaisseur, il nous semble que ce mur, comme le mur 17b, a pu servir à la fois de mur de soutènement et de mur de défense situé sur la ligne de rupture de pente.
L’étude du mobilier reste à faire.
F. LES VESTIGES DE LA DEUXIÈME PÉRIODE D’OCCUPATION (Ve – IVe s.)
Cette période est représentée principalement par un mur et par un lambeau de sol en terre argileuse grise (n° 108 sur la fig. 6). La datation devra être confirmée par une étude plus détaillée du mobilier associé, mais actuellement ces vestiges semblent remonter au Ve ou au IVe siècle et ils seraient alors, selon P. Boissinot, les plus anciennes traces de construction sur le site.
Voir fig. 6 (plan, structure coloriée en rougeâtre) et fig. 11 (coupe)
Ce mur a été dégagé sur 2,3 m de long et il est conservé sur une hauteur maximale de 0,70 m. Son épaisseur moyenne est de 0,50 m. Il repose sur le substrat rocheux irrégulier. Il n’est pas rectiligne mais légèrement courbe, convexe vers le sud-ouest (amont). Globalement, il forme avec le gros mur de la troisième période un angle de 30°. Il y a donc un changement net de plan d’urbanisme (si on peut employer une telle expression) entre ces deux périodes, du moins dans ce secteur.
Du côté amont, le parement est en petites pierres (souvent moins de 20 cm pour la face visible), disposées sans grand soin. Le parement vers l’aval est fait de pierres plus grosses (souvent plus de 30 cm), mais l’appareil reste désordonné. Toutes les pierres sont brutes. D’autre part, ce mur est un peu incliné vers l’amont. Toutes ces caractéristiques nous incitent à le considérer comme un petit mur de soutènement.
Mais du côté nord-est (aval), la présence d’un sol contre l’extrémité sud-est de ce mur révèle un espace aménagé. Ce sol d’épaisseur variable a été établi soit sur des lambeaux d’une couche antérieure (vestiges d’une époque encore plus ancienne), soit directement sur le rocher. Quelques débris d’adobes gisaient sur ce sol. L’étroitesse de notre sondage à cette profondeur n’a pas permis une observation très satisfaisante.
À l’extrémité opposée (nord-ouest), ce mur a été détruit pour faire place au gros mur de la troisième période. Nous avons trouvé dans cet angle, entre les deux murs, quelques pierres (structure 100 sur la fig. 6, coloriée en rougeâtre) reposant sur le rocher, dont nous ne pouvons dire sûrement si elles étaient en place ou non. Elles semblent cependant être les restes d’un mur associé au mur 56.
L’étude du mobilier reste à faire.
G. LES VESTIGES DE LA PREMIÈRE PÉRIODE D’OCCUPATION (âge du Bronze ?)
Outre quelques lambeaux de couche mentionnés ci-dessus (trouvés sous le sol de la deuxième période), il semble possible d’attribuer à l’époque la plus ancienne (âge du Bronze ?) un alignement de trois ou quatre pierres brutes sur le rocher, à 1,20 m au sud du mur de la deuxième période (cf. fig 6, carrés C3-D3, structure n° 107 coloriée en bleu). Il s’agit peut-être des restes d’un muret de soutènement, eu égard à la pente du substrat. La céramique associée, rare, est de type modelée atypique, d’allure archaïque. Les indices, on le voit, sont fragiles.
L’étude du mobilier reste à faire.
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